Jour 2 Fredericksburg / Virginia - Greensboro / North Carolina 328 miles / 528 kilomètres

12:08 Peter Tosch  Stepping Razor

12 :48 Sugar Hill Gang  Rapper’s Delight (’79)

12 :50 Jay-Z/ Amil/ Ja Rule Can I Get A (98)

12 :55 Kid Frost  La Raza (90)

12 :59 Pete Rock & C.L. Smooth The Reminisce Over You (92)

1 :42 Skipworth & Turner Thinking about your love

1 :45 CherylLynn Shake it up Tonight*

1 :55 Fever Beaet of the night

2 :08 Instant Funk  I got my mind made up**

 2 :10 Retta Young (Sending out an)) S.O.S

2 :13 Grace Jones  I need a man

2 :42 Evelyn’ Champagne’ King  Love come down

2 :48 Skyy Here’s To You

2 :52 Pusha T/ Jay Z Drug Dealers Anonymous

2 :55 Diamond D  Sally Got A One Track Mind

3 :07 Gladys Knight/ Pips  Go and on

3 :11 Harold Melvin/ Blue Notes/ Teddy Pend  Don’t leave me This Way

3 :17 Pointer’s Sister’s  Betcha Got A Chick On The Side***

La chronique / fiction d'Antonio Albanese épisode 2

2. Kilomètres 457 -  Miles 284

     A chaque fois que Sébastien change de direction, Mathieu, notre batteur, ne résiste pas à la pulsion d’accompagner le rythme mécanique du clignotant en frappant sur ses cuisses, sur les sièges ou les portes du bus. Parfois, je le rejoins, mais je m’arrête rapidement, trop conscient de l’imprécision de mes gestes en comparaison des siens. Marie a tout de suite trouvé un rôle qui lui convient ; elle note discrètement sur son ordinateur le nom des morceaux qui passent à la radio et que nous reprendrons peut-être à l’occasion d’une performance prochaine. Nous sommes allés chercher le bus dans un arrière quartier du Queens. C’est une vielle camionnette Ford blanche fatiguée. Selon Sébastien, c’est tout ce que notre budget nous permettait avant que cette tournée commence à nous couter plus qu’elle ne nous rapporte. Personne n’a fait de remarques en démarrant, mais tout le monde a dû penser la même chose.

       Je ne sais pas si ce sont les drogues que Mathieu m’a données à Philadelphie qui commencent à faire effet, ou les suspensions trop molles du bus, mais la chanson lancinante qui passe à la radio, flying like an eagle, me donne l’impression d’être dans un planeur à la dérive, un navire balloté par les courants. A côtés de moi, Mathieu ressemble de plus en plus à un iguane, mais sa moustache jure avec sa nouvelle physionomie. J’aimerais le lui dire, mais j’ai peur qu’il me morde ou qu’il m’attaque d’un coup de langue. Ses yeux ont viré au rouge et me fixent de façon inquiétante, je jurerais qu’il a faim. Mais d’un seul coup, la lumière s’est éteinte dans le bus, quelqu’un a dû bouger l’interrupteur par erreur et nous sommes plongés dans l’obscurité la plus totale. La lumière revient aussi soudainement qu’elle avait disparu au moment où j’ouvre les yeux. J’avais raison pour Mathieu, car il entre dans le gps une adresse pour manger à Baltimore. Nous aurions toutes les raisons du monde de nous méfier, mais nous nous retrouvons étonnement dans un vrai restaurant au bord de l’eau, sur le port, où nous torturons deux douzaines de crabes à l’aide de pinces et de marteaux avant de les dévorer sans remords pendant que Marie mange une salade.

       Nous traversons le centre de Baltimore en repartant. Alors que nous sommes arrêtés à un croisement, Mathieu dit à Sébastien d’arrêter le bus ; il me demande de lui donner tout l’argent cash dont je dispose. Déterminé, il se dirige à l’angle opposé du croisement. Devant un magasin d’alimentation, une dizaine de personnes semblent répéter une pièce contemporaine sur le trottoir. Deux noirs en survêtement se mesurent dans une sorte de combat de boxe silencieux, joué au ralenti, et où il est apparemment interdit de se toucher. Une vieille dame en fichu, des bas en laine jusqu’aux genoux, se balance d’un pied sur l’autre, sur place. Un homeless fouille une poubelle pendant que son chien bat frénétiquement la queue à ses côtés. Deux femmes obèses se lancent des injures dont nous ne comprenons que l’esprit. Mathieu se dirige tout droit dans le magasin d’alimentation dont les vitres sont tapissées d’affiches pour que tout le monde soit bien au courant qu’on y accepte les food stamp . Quelques minutes plus tard, il en ressort avec un paquet en plastique rempli d’herbe et un autre de pilules multicolores.

       Quelque part en Virginie, Sébastien décide que nous avons assez roulé. Il enclenche le clignotant qui déclenche les tapotements syncopés de Mathieu. Nous nous arrêtons dans un motel juste à la sortie de l’autoroute. Ce n’est pas un palace, mais il y a une piscine, un jacuzzi, et nous avons des bières dans le coffre. Cinq minutes plus tard, nous sommes installés à nos places respectives. Marie fait des traversées dans la piscine pendant que nous buvons les bières dans le jacuzzi. Ce n’est pas glorieux, mais nous n’avons jamais prétendu être des révolutionnaires. Eh puis, personne ne lui a demandé de faires ses traversées. 

Station n°1 Greensboro, NC S.Elm St./Lewis St.with Brianna Taylor, dance

Station n°2 Greensboro, NC Market St Trio Antonio Albanese / Noëlle Reymond / Laurent Estoppey

Live performance Greensboro, NC @GPS Greensboro Project Space with Steve Stusek, saxophone